Le BRGM était partenaire du projet PIRAGUA, coordonné par le Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique et financé par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) dans le cadre du programme Interreg V-A Espagne-France-Andorre (POCTEFA). PIRAGUA visait à caractériser le cycle de l’eau dans les Pyrénées pour améliorer la capacité d’adaptation des territoires face aux défis du changement climatique.
8 décembre 2023
Logo Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique - programme Interreg POCTEFA

Logo Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique - programme Interreg POCTEFA. 

© Interreg 

Ressources en eau et changement climatique dans les Pyrénées 

Le projet PIRAGUA s’intégrait dans la stratégie de coopération transfrontalière de l’Observatoire Pyrénéen sur le Changement Climatique (OPCC). Réalisé en collaboration avec plusieurs organismes de France, d'Andorre et d'Espagne, il présente deux monographies analysant l'état actuel et le futur des ressources hydriques des Pyrénées et de leurs régions (Pays Basque, Navarre, Aragon, Catalogne, Andorre, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie) dans le contexte du changement climatique mondial, et propose des mesures d'adaptation pour leur gestion.

Selon ces modélisations, les rivières des Pyrénées auront des débits annuels de plus en plus faibles, jusqu'à -15% d'ici 2040, voire -20% à la fin du siècle. C'est l'une des principales conclusions de PIRAGUA, un projet européen qui confirme la réduction progressive des ressources en eau dans les Pyrénées au cours des dernières décennies et auquel ont participé des organisations de France, d'Espagne et d'Andorre dans le cadre du programme Interreg POCTEFA 2014-2020. Les résultats ont été présentés dans des monographies distinctes :

  • le premier volume analyse l'état actuel et futur des ressources en eau des Pyrénées,
  • le second traite des mesures d'adaptation au changement climatique et à l’évolution des demandes en eau pour la gestion de ces ressources.
Eoliennes en Fenouillèdes, Pyrénées-Orientales

Les résultats des modèles montrent de manière très cohérente que dans le futur, le climat des Pyrénées sera plus chaud et plus sec, avec une augmentation générale de l'aridité à la fois dans l'espace et dans le temps, sauf dans les zones les plus élevées. En général, il y aura une diminution progressive des débits annuels des rivières pyrénéennes, qui s’accentuera au fur et à mesure que le siècle avance. Cette réduction sera la plus marquée dans le scénario d'émissions le plus pessimiste.

Santiago Beguería, coordinateur du projet PIRAGUA et chercheur de la PTI Clima y Servicios Climáticos del CSIC

Le constat d’une diminution des ressources en eau qui devrait se poursuivre

L'analyse des données de débit des rivières au régime naturel ou peu influencé révèle qu'au cours des dernières décennies, il y a eu une baisse généralisée de tous les indicateurs descriptifs des ressources en eau. Ces changements ont des causes à la fois climatiques (principalement l'augmentation des températures) et liées aux changements récents dans l’utilisation des terres, principalement l'augmentation de la couverture végétale due à l'abandon des activités agricoles en montagne. L'utilisation de modèles hydrologiques forcés par un large ensemble de projections climatiques futures montre que, dans les prochaines décennies, les rivières du versant nord des Pyrénées devraient connaître une diminution marquée des débits annuels, plus prononcée que dans le versant sud, surtout dans la partie centrale et orientale.

À l'échelle saisonnière, les débits de hautes eaux caractéristiques de la fonte des neiges pourraient être plus avancés dans la saison, tandis que les étiages seront progressivement plus longs et plus prononcés. En effet, les projections hydroclimatiques actuelles montrent de manière cohérente une réduction importante des précipitations sous forme de neige, ainsi qu'une diminution du poids relatif de la fonte des neiges dans la génération de débit.

L'une des principales causes de la réduction observée des débits est l'augmentation moyenne de la température annuelle dans le territoire pyrénéen, qui a été de +0,8 ºC au cours de la période 1981-2010. L'augmentation de la température a été plus marquée dans la région centrale des Pyrénées (bassins du Gállego, Cinca et Ésera) et dans la partie la plus orientale, ainsi que dans le versant nord. En termes de saisonnalité, l'augmentation a été plus marquée au printemps et en été.

Ces changements sont observés des deux côtés de la chaîne pyrénéenne et dessinent un scénario de réduction des ressources hydriques initié au cours des dernières décennies et qui pourrait s'accentuer à l'avenir en cas d’augmentation des températures au long du 21e siècle.

En ce qui concerne l'analyse des précipitations, on n’observe pas de signal de changement aussi robuste que pour les températures dans les observations des dernières années (peu de tendances significatives statistiquement). Les plus fortes baisses de précipitations, et les seules significatives, ont eu lieu dans la partie centrale des Pyrénées et dans le bassin de la Bidasoa, avec des baisses allant jusqu'à -30 mm par an. Cependant, des tendances positives (augmentation des précipitations sur la période analysée) ont également été observées dans les parties les plus élevées du système du Gave de Pau et dans le centre des Pyrénées.

Parc national, Pyrénées

L'eau a une importance écologique et paysagère fondamentale. Les Pyrénées ont une importance exceptionnelle en ce qui concerne la production de ressources hydriques, qui dépasse largement le cadre de la seule chaîne de montagnes, car les rivières des Pyrénées assurent les besoins en eau de l'agriculture, de l'industrie et de l'approvisionnement en eau potable d'une vaste région s'étendant des deux côtés de ces contreforts.

Santiago Beguería, coordinateur du projet PIRAGUA et chercheur de la PTI Clima y Servicios Climáticos del CSIC

Mesures d'adaptation

À la lumière des conclusions de l'analyse des observations et des projections futures, ces résultats soulignent l'importance et la nécessité de l'adaptation au changement climatique dans le domaine de la gestion des ressources en eau des Pyrénées, tant à l'échelle locale que du bassin versant, voire de la chaîne de montagnes.

Ainsi, le second volume publié se concentre sur l'identification et la proposition d'actions d'adaptation en relation avec la ressource en eau dans les Pyrénées et leur zone d'influence. Ce travail a été réalisé en étroite collaboration avec les acteurs locaux, avec lesquels sept études de cas ont été menées.

Parmi les mesures communes ou transversales, les solutions fondées sur la nature, visant à maintenir voire renforcer les services écosystémiques (ceux fournis par un écosystème à la société) représentent une alternative durable, et parfois moins coûteuse, que les investissements technologiques ou la construction et l'entretien d'infrastructures. Par exemple, les chercheurs proposent d'établir des espaces de priorité hydrologique dans les parties du territoire qui jouent un rôle très important dans la fourniture de services de régulation hydrologique et dont la gestion doit garantir la disponibilité, dans l'espace et dans le temps, des ressources en eau.

Une mesure d'adaptation fondamentale proposée est de promouvoir la participation citoyenne et d’impliquer tous les acteurs pour la gestion de la ressource en eau, car les habitants locaux et les utilisateurs des ressources en eau sont les principaux concernés et ceux qui connaissent le mieux les caractéristiques du territoire et ses besoins.

Le massif du Posets, Hautes-Pyrénées

Nous pensons que développer un dialogue entre science-société est indispensable pour stimuler une action efficace et partagée pour l'adaptation au changement climatique dans les Pyrénées.

Santiago Beguería, coordinateur du projet PIRAGUA et chercheur de la PTI Clima y Servicios Climáticos del CSIC

Le travail du BRGM

Les ressources en eau souterraine des Pyrénées ont fait l’objet d’un travail de classification cartographique, en fonction du type de réservoir aquifère dans lequel elles se trouvent, grâce à l’expertise conjointe du BRGM et de ses partenaires espagnols (IGME, EHU) et andorrans (ARI). A partir de cette carte, la recharge potentiellement apportée par les précipitations chaque année a pu être estimée sur les 30 ans de la période 1981-2010, mettant en évidence les disparités régionales. Les projections climatiques disponibles ont enfin permis d’évaluer les déficits futurs de recharge des réservoirs d’eau souterraine, auxquels les usagers de l’eau des territoires pyrénéens devraient avoir à s’adapter.

Un projet coordonné par l’Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique dans le cadre du programme POCTEFA 

Le projet PIRAGUA a été cofinancé à 65% par le Fonds européen de développement régional (FEDER) via le Programme Interreg V-A Espagne-France-Andorre (POCTEFA 2014-2020).

Le Programme Interreg V-A Espagne-France-Andorre (POCTEFA) est un programme européen de coopération transfrontalière créé afin de promouvoir de développement durable des territoires frontaliers des trois pays. 

Le territoire du programme POCTEFA, structuré par une chaîne de montagnes reliant l’Atlantique à la Méditerranée (les Pyrénées), présente une vulnérabilité potentiellement importante au changement climatique. Ce territoire transfrontalier alimente les écoulements et les zones de recharge des principaux bassins versants et aquifères de la région, et constitue la source principale des ressources en eau pour le territoire POCTEFA. 

L’Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique (OPCC) est une initiative transfrontalière de coopération territoriale de la Communauté de Travail des Pyrénées (CTP), lancée en 2010 en matière de changement climatique. Il a pour objectif de réaliser un suivi et de comprendre le phénomène du changement climatique dans les Pyrénées pour aider le territoire à s'adapter à ses impacts. Sa vision est d'être la plateforme de référence en matière de connaissance en adaptation au changement climatique dans les écosystèmes de montagne.

Partenaires du projet Piragua

Ont participé à ce projet l'Agencia Estatal Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CSIC), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), l'Université du Pays Basque/Euskal Herriko Unibertsitatea (UPV/EHU), l'Observatori de la Sostenibilitat d'Andorra, l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (INRAE), le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), l'Instituto Geológico y Minero de España (IGME), l'Universitat de Barcelona (UB), et la Fundació Observatori de l'Ebre (OE).