Le BRGM et l’Agence de l’Eau RMC ont mené le projet de recherche Etude de la Faisabilité de la Recharge Artificielle sur le bassin Rhône Méditerranée et Corse. Des cartes de faisabilité de la recharge artificielle ont été produites et quatre territoires test ont été étudiés.

29 juillet 2019
Cartographie de la faisabilité de la recharge artificielle indirecte

Cartographie de la faisabilité de la recharge artificielle indirecte sur la base de critères physiques du sol et du sous-sol, à l'échelle du bassin RMC. 

© BRGM 

Les eaux souterraines représentent une ressource essentielle pour l'économie de nombreux territoires en France. Toutefois du fait des besoins importants à satisfaire pour les différentes catégories d'usage (en particulier l'alimentation en eau potable et l'irrigation agricole en période estivale), certaines masses d'eau se trouvent en situation de déséquilibre structurel. 

La réponse classique des gestionnaires consiste à définir un volume prélevable, puis à plafonner les prélèvements et rechercher des ressources de substitution (retenues collinaires, transferts interbassin). Une solution complémentaire, encore peu explorée en France, consiste à augmenter artificiellement la recharge de ces masses d’eau. Largement mise en œuvre dans d’autres pays notamment en Australie, Israël, Espagne, la recharge artificielle (RA) présente des avantages techniques (flexibilité), économiques (coût d’investissement inférieur) et environnementaux (moindre consommation d’énergie) qui invitent à en évaluer le potentiel dans le bassin Rhône Méditerranée et Corse. 

Le Programme de Mesures du SDAGE Rhône - Méditerranée 2016-2021 prévoit, parmi les mesures territorialisées en lien avec son orientation fondamentale n° 7 visant à "atteindre l’équilibre quantitatif en améliorant le partage de la ressource en eau et en anticipant l’avenir", la possibilité de mettre en place des dispositifs de réalimentation artificielle des eaux souterraines. 

C’est dans ce cadre que le BRGM et l’Agence de l’Eau RMC ont lancé le projet de recherche Etude de la Faisabilité de la Recharge Artificielle sur le bassin Rhône Méditerranée et Corse dans le cadre de la convention R&D entre les deux établissements. 

Objectifs et phasage du projet 

L’ambition de ce projet est de pouvoir susciter des réflexions dans les territoires en déficit quantitatif où une solution de recharge artificielle (RA) pourrait s’avérer intéressante ou complémentaire à mettre en œuvre par rapport à des solutions plus classiques. Ce projet est divisé en deux phases : 

  • La phase 1 consistait à mettre en évidence l’intérêt de la recharge artificielle à partir d’expériences choisies en France et à l’international et à cartographier à l’échelle du bassin RMC les zones potentiellement favorables d’un point de vue purement technique. Cette phase a fait l’objet d’un rapport intermédiaire (Caballero et al. 2018 ; rapport BRGM/RP-67534-FR) ; 
  • La phase 2 consiste à explorer la faisabilité technique et économique d’un dispositif de recharge artificielle sur plusieurs territoires test, en travaillant à une échelle plus locale de façon à en tirer des conclusions et recommandations suffisamment généralisables. Cette phase a fait l’objet d’un rapport final (Moiroux et al. 2019 ; rapport BRGM/RP-68551-FR). 

Lors de la phase 1, quatre cartes de faisabilité de la RA (critères physiques et contraintes d’occupation du sol pour la RA indirecte, critères physiques et contraintes d’occupation du sol pour la RA directe) ont été obtenues par analyse spatiale multicritère à l’échelle du bassin. D’un point de vue de la faisabilité technique, les critères hydrogéologiques et géographiques physiques ont reposé sur l’existence, en France, du référentiel hydrogéologique national (BDLISA - Base de Donnée des Limites des Systèmes Aquifères). Celui-ci a ainsi permis de prendre en compte les caractéristiques des aquifères (libre/captif, type de porosité, type de fracturation et de perméabilité, lithologie…) favorables ou non à un dispositif de recharge artificielle. Le caractère potentiellement infiltrant des formations géologiques a été approché par l’Indice de Développement et de Persistance des réseaux (IDPR). L’épaisseur de la zone non saturée a également été prise en compte de façon à intégrer la capacité des aquifères à absorber l’eau infiltrée. Ces paramètres, connus et cartographiés à l’échelle des bassins Rhône Méditerranée et Corse, ont permis de produire des cartes de potentialité à la recharge artificielle (directe et indirecte) des aquifères à l’échelle du Bassin. 

Lors de la phase 2, quatre territoires test ont été sélectionnés avec les gestionnaires locaux et l’AERMC. Ils sont considérés comme favorables à la recharge artificielle et les enjeux actuels amènent les gestionnaires des sites à s’intéresser à de nouveaux moyens de gérer la ressource en eau souterraine pour pallier les problèmes de quantité et / ou de qualité des eaux. Les quatre entités sélectionnées sont les suivantes : 

  • la nappe du bassin de Bièvre-Liers-Valloire, 
  • les nappes de la Vistrenque et des Costières, 
  • la nappe des Sables Astiens de Valras-Agde, 
  • les alluvions de la Figarella (Haute Corse). 
 Carte des coûts unitaires de recharge artificielle indirecte totaux

Carte des coûts unitaires de recharge artificielle indirecte totaux CRA (coût unitaire de la RA, exprimé en €/m3 de volume d'eau rechargé) pour le site des nappes de la Vistrenque et des Costières. 

© BRGM 

Après un état des connaissances sur les différentes entités hydrogéologiques retenues, une analyse de la potentialité pour la recharge artificielle à l’échelle des territoires test (aquifères ou masses d’eau souterraine) sélectionnés dans le Bassin pour cartographier la faisabilité technique de la recharge indirecte. Les contraintes liées à l’occupation du sol ont également été prises en compte en intégrant le Corine Land Cover. La ressource en eau de surface disponible, ses caractéristiques en termes de quantité et qualité, sa disponibilité ainsi que l’objectif de volume annuel de recharge ont été définis avant d’aborder le dimensionnement des dispositifs de recharge en termes de superficie et de transfert de l’eau en fonction du volume de recharge. 

L’évaluation d’une fonction de coût distribuée a permis de calculer une cartographie de coût unitaire d’infiltration en chaque point des territoires test (voir un exemple sur la Figure ci-dessous). Elle prend en compte les coûts opérationnels et d’investissement pour les différentes composantes d’un dispositif de recharge indirecte : prise d’eau, transfert, prétraitement, bassin d’infiltration et coûts annexes. La construction de cette fonction a mis en évidence le manque de données de coûts opérationnels disponibles et a en conséquence nécessité un certain nombre d’hypothèses sur les coûts. 

La mise en commun des différents documents cartographiques produits a permis d’identifier les sites les plus favorables pour la mise en place de bassins d’infiltration sur les quatre territoires test étudiés, en indiquant un ordre de grandeur des coûts pour la réalisation de ces dispositifs. 

Un séminaire de clôture du projet, tenu le 29/01/2019 à Lyon, a permis de mettre en débat les avantages, inconvénients, freins et solutions liés à la RA entre gestionnaires, scientifiques, acteurs du terrain et ingénieurs. 

Un guide méthodologique contenant des recommandations pour l’implantation d’un site de recharge artificielle indirecte est en cours de rédaction.