Bien identifier les contaminants organiques émergents, trouver leur origine et prévoir leur évolution alors qu’ils peuvent venir de sources multiples, les quantifier correctement même si on les trouve dans des eaux ou des sols en très faibles quantités… Tels sont les défis qui se posent aux laboratoires chargés d’identifier les nouvelles menaces qui pèsent sur l’environnement ou la santé publique.
28 octobre 2013
Développements analytiques sur des polluants émergents

Développements analytiques sur des polluants émergents : analyses de pesticides et de substances pharmaceutiques. 

© MEDDE - Laurent Mignaux 

Les contaminants organiques : ils sont de plus en plus présents et sources de risques pour l’environnement et la santé publique ! Substances pharmaceutiques, produits de soins, pesticides, produits chimiques industriels ou domestiques… La mise sur le marché d’un nombre toujours plus important de ces produits est à l’origine, avec leurs résidus, de la dissémination dans l’environnement de polluants émergents. Ces nouveaux contaminants organiques, à côté de ceux déjà mieux connus et réglementés, constituent un domaine d’étude croissant et sensible. 

Comment les quantifier de façon fiable quand ils se trouvent dans les eaux, les sédiments ou les sols en quantités très faibles ? Comment identifier leur origine quand leurs sources sont multiples ? Comment distinguer les processus physiques, biologiques ou abiotiques qui les affectent ? L’amélioration constante des techniques de prélèvement et d’analyse (spectrométrie de masse, échantillonnage passif, traçage isotopique…), permet la mise en évidence de nouvelles classes de substances, plus particulièrement des produits pharmaceutiques, produits de soins et des métabolites de pesticides, à des concentrations très faibles. Leur quantification est désormais possible même dans des "cocktails" complexes de polluants présents dans certains milieux contaminés. 

Ainsi, le BRGM a déjà pu rechercher des médicaments et métabolites dans les eaux naturelles et souterraines de la nappe d’Alsace et en région Centre, ou rechercher des métabolites de pesticides en Ariège… 

L’échantillonnage passif pour atteindre des limites de détection très basses 

Le développement d’échantillonneurs passifs offre de nouvelles possibilités. Consistant schématiquement en un support qui contient un adsorbant adapté au piégeage spécifique d’un contaminant, qui est retenu et accumulé, l’échantillonneur passif va permettre de détecter le polluant même à des niveaux très faibles (on parle d’infra-traces), et améliorer la précision des mesures pour les flux de contaminants dans les eaux de surface. 

Grâce à cette technique (dite DGT, POCIS ou SPMD), le BRGM a pu mesurer, pour des eaux de surface (Yèvre et Vilaine) et des eaux souterraines (Trois Fontaines et source du Loiret), les concentrations de différents contaminants organiques hydrophiles et hydrophobes. Ces études ont montré l’avantage des échantillonneurs passifs, qui permettent d’atteindre des limites de détection très basses, pour des contaminants organiques présents à l’état de traces, difficilement quantifiables par l’échantillonnage classique. Ces outils faciles à mettre en oeuvre par du personnel formé devraient permettre de disposer d’informations plus pertinentes sur la contamination environnementale.

Prélèvement d’eau en rivière pour la recherche des contaminants métalliques

Prélèvement d’eau en rivière pour la recherche des contaminants métalliques. 

© BRGM - Julie Gattacceca 

Le traçage isotopique pour étudier le devenir des contaminants 

Enfin, l’origine de substances comme les composés chimiques aromatiques BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène et xylènes) ou COVs (composés organiques volatils) dans les sites et sols pollués, émises par plusieurs sources, peut être discernée par leurs signatures isotopiques, déterminées grâce à la spectrométrie de masse à flux continu. Ici encore, les basses concentrations constituent un défi particulier que l’on relève grâce à des techniques d’extraction et de préconcentration sophistiquées. Le but est toujours de dépasser les limites actuelles pour l’analyse isotopique de certaines molécules chlorées, produits phytopharmaceutiques et composés organiques d’origine pétrolière. 

En s’appuyant sur les isotopes de plusieurs éléments (C, H…) et sur des connaissances sans cesse améliorées de leur fractionnement, une analyse plus fine de l’atténuation naturelle ou renforcée permet de mieux appréhender les mécanismes et micro-organismes impliqués. Des exemples d’application dans le projet ATTENA montrent la valeur ajoutée de ces techniques pour la détection des sources de contamination et la distinction de différents processus atténuants, biotiques ou abiotiques. L’approche isotopique profite également des avancées sur les échantillonneurs passifs et le couplage en cours des deux techniques permettra d’avancer vers le dépistage des sources et le devenir des pollutions diffuses.